À en entamer la lecture, l’impression est d’abord la même mais, au fil des pages, à la troisième lecture, par la grâce de cette empathie fragile sans laquelle le passeur ne peut faire glisser dans l’autre langue l’essence du poème, je parviens enfin à me couler dans le corps de quelques-uns de ces poèmes où la voix bourrue du poète, trop longtemps retenue en-deçà de l’intime, restant en apparence à la surface opaque du non-dit, livre enfin sur le ton de la confidence comme une angoisse frémissant à l’approche de la fin inéluctable.
Cette impression seconde se confirmera bientôt à la lecture des inédits de Verwehtes Jahrhundert («Un siècle balayé»), à paraître bientôt, où la confidence se fait de plus en plus présente. Et c’est alors enfin qu’en traducteur n’ayant plus moi-même un demi-siècle à vivre, je perçois dans l’appel du compagnon de route de jadis cette urgence qui mérite que devant elle je m’incline. Ces quelques traductions sont une tentative de le faire dignement, en attendant l’espace d’un volume plus ample où poursuivre de concert avec un confrère plus jeune, comme en réponse à l’appel au secours d’un siècle qui se noie.